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CATALOGUE D'EXPOSITION
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Le Directeur
du Centre Départemental de Documentation Pédagogique de I'Aude
qui a assumé I'édition du catalogue et de Monsieur le Président
du Conseil Général de I'Aude qui accorda une subvention au titre
du Fonds d'Intervention Culturelle de l'Aude.
Qu'ils en soient tous vivement remerciés.
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"S'il n' y avait pas de drame et de contrariété profonde dans ma vie, j'aurai certainement vu d'une autre façon mes modèles, mes motifs".
Cette réflexion, tirée d'un carnet de notes d'André Blondel nous révèle le lien profond entre son oeuvre et sa vie.
André Blondel - Sacha Blonder - est né en 1909, à Czortkow, bourgade située au Sud-Est de Lwow, en Pologne; actuellement rattachée à l'Ukraine soviétique.
Sa famille juive, aisée et considérée, (il y eut plusieurs rabbins dans ses ancêtres) lui fit donner une solide formation culturelle ; ne disait-il pas savoir par coeur des passages entiers de la Bible !
En 1925, il exprime "son admiration pour les vierges peintes par un médiocre peintre de village" ; il est séduit "par des illustrations patriotiques" et par "des dessins pleins d'effets naturalistes".
A 17 ans, il suit I'Académie des Beaux-Arts où il reconnait avoir "admis sans choc toute l'école moderne de Paris".
En 1930,
doté d'une bourse, c'est à Paris même qu'il se rend. II
y arrive, le 10 Mars; loge au quartier latin, d'abord 43, rue Mazarine, 6eme,
puis au 9 rue d'Arras, dans le 5ème. Inscrit dans un atelier de l'Ecole
Nationale supérieure des Beaux-Arts, il y séjournera deux ans.
- "Prière et contemplation devant Gauguin ; Ignorance des cubistes"
note-t'il alors -
En 1933, de retour en Pologne , membre de I' Académie des Arts Plastiques de Cracovie, il participe à l'activité d'un groupe d'artistes, unis dans une même recherche et un même idéal - (Stern, Kantor, Wicinski. . . ) Dans ce milieu, se debattent et s'élaborent les divers problèmes de l'art moderne : cubisme, expressionnisme, langage de la couleur, abstraction, téchnique, contenu social de l'oeuvre d'art. . .
La plupart des tableaux de cette époque se trouvent regroupés dans les Musées de Varsovie et de Cracovie. IIs se caractérisent par une composition simplifiée, géométrique, une figuration symbolique, des tons sourds poses en à-plat.
A ces premières manifestations, vont succéder des études enlevèes, sur nature, fraîches de ton, proche du fauvisme.
Une nouvelle bourse lui permet, en 1937, de revenir à Paris. II loue un atelier 5, Cite Falguière, 15ème; fréquente des peintres de l' Ecole de Paris, Soutine, Krémègne, Dobrinsky, Klimek. . . ; expose à l' exposition internationale de 37.
Dans une de ses notes, il souligne l'intérêt qu'il porte alors aux "peintres de musée", aux ltaliens, à la peinture Hollandaise. Sa peinture montre, à côté d' influences classiques, le souci de rendre l'atmosphère impressionniste de la grande ville et de sa banlieue; petites touches, grises, bleutées, roses, légères.
Lorsque la guerre de 1939 survient, il est incorporé dans l'armée polonaise, cantonnée à Rennes il passe le début de 1940 au camp de Coëtquidam, dans le Morbihan. II sera démobilisé le 28 ]uin suivant à Toulouse, par le Consul de Pologne.
Il ne reste de ces moments que quelques croquis de ses compagnons soldats et cette réflexion : "Après la guerre, quand on aura tout le matériel nécessaire, nous penserons à ces quelques années de manque de toile et de couleurs, comme à une période où on a malgré tout beaucoup appris".
Peu après, fuyant la persécution nazie, alors que toute sa famille subira le sort de milliers de juifs polonais et disparaîtra dans la tourmente, il trouve refuge à Aix-en-Provence, chez Mesdames Sery-Leypold. Aidé par Monsieur Hallwacks, grand resistant, engagé comme jardinier, il demeure du 5 Août 1940 au 25 Août 1942 dans la banlieue Aixoise.
A cette
époque, sur les pas de Cézanne, découvrant la lumière
et la construction de la Campagne Provençale, il multiplie sur cartons
de petit format, des portraits (tel celui du philosophe, Henri Lefevre), des
pochades, ainsi que des études plus poussées de paysage.
En ]anvier 1942, traqué, il se retire au fond de notre département,
à Cuxac-Cabardes, aux Escoussols, chez Monsieur Rives, en tant que
bûcheron.
En fin, en 1943, doté d'une nouvelle identité, (celle que nous connaissons), il se marie avec un professeur du Lycée de Carcassonne, et vient habiter notre ville, au 7, rue Frédéric Mistral ; il va y rester 5 ans .
Au numéro
11, Quai Bellevue, devant ce site unique de jardins et d'arbres; le long de
l'Aude, dominé par la Cité, il loue le rez-de-chaussée
d'une villa, pour lui servir d'atelier. Dans cet asile, son talent va trouver
son plein épanouissement. Désormais, il fait appel à
son instinct et à son goût pour résoudre des problèmes
de plus en plus serrés. Compositions, natures mortes, portraits, paysages,
voient le jour : la couleur est portée à son maximum ; la pâte
épaisse ; la touche large et nerveuse.
Des amateurs éclaires s'intéressent à son travail. II
noue d'amicales relations avec des artistes de la région ; il réalise
des portraits de diverses personnalités, écrivains, poètes
(3 saisissants portraits de Joe Bousquet) .
Au cours de divers séjours à Salinelles dans le Gard, à Sète, pays natal de sa femme, à Perpignan et à Collioure, Blondel fait montre d'une activité dévorante ; il rapporte de ses différents lieux, des vues originales, colorées, d'une vision très personnelle.
En 1944 et 1945, deux enfants, Hélène et Marc font la joie de son foyer. Cela va lui donner l'occasion de traiter, sur le vif de nouveaux motifs, enfants et maternités.
Membre du Salon des Indépendants, sociétaire du Salon d'Automne, il expose dans toutes les villes importantes du midi languedocien. Certains Musées acquièrent de ses oeuvres.
Durant l'éte 1948, toute la famille Blondel va déménager et s'installer dans la région parisienne, tout d'abord à Sceaux, route de Fontenay, enfin au 41, Bd St Germain où il y peindra ses dernières toiles.
Le 14 Juin 1949, rue de Seine, il trouve accidentellement une mort brutale.
Le salon d'automne de 1950 donnera une rétrospective de quelques-uns de ses tableaux.
Au terme de cette destinée, laissons la parole à l'artiste lui-même : "Quand on a toujours obéi au désir de la vérité qui est en nous, sans se soucier ni de la mode, ni du succès, on pourra malgré toutes les souffrances dire un jour, ma vie n'a pas été perdue".
L.P.
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ANDRE BLONDEL
1909 - 1949
André Blondel est mort prématurément en 1949, ne laissant
que des regrets dans notre ville qu'il avait habitée pendant quelques
temps et où il comptait beaucoup d'amis. Dans les années quarante
il avait exposé avec succès à Carcassonne, Montpellier,
Toulouse, Sète, Perpignan ; et nombreuses sont les collections particulières
et les musées qui possèdent des toiles de lui. Mais depuis l'hommage
rétrospectif que lui rendit Gabriel Couderc en 1959 et successivement
à Sète et à Narbonne, pour le dixième anniversaire
de sa mort, je ne sache pas qu' il y ait eu, dans notre région, d'autre
exposition publique consacrée à sa mémoire. Son art était
en pleine évolution et, sur la fin de sa vie, il se montrait impatient
de le perfectionner en le confrontant à celui d'artistes éprouvés
dont il sentait bien qu'il était l'égal. Sans rompre avec le
Midi où il continuait à faire de fréquents séjours
- surtout à Sète et à Montpellier - il s'était
fixé à Paris. Son public s'était élargi, et il
s'était fait un peu oublier de ses admirateurs locaux. Ses meilleurs
amis, Joe Bousquet et Michel Maurette ne devaient d'ailleurs pas lui survivre
longtemps. II a fallu attendre jusqu'à aujourd'hui pour qu'une nouvelle
génération le redécouvre avec une curiosité passionnée...
Les oeuvres de l'époque "carcassonnaise", paysages, natures
mortes, dessins, portraits (ceux, notamment, de Joe Bousquet et de Michel
Maurette), comme d'ailleurs, les toiles qu'il peignit à Sète
en 1945 et 49, s' inspirent de deux manières techniques assez opposées
: I'une, que l'on a pu qualifier avec Gabriel Couderc, de fauvisme sombre,
se caractérise par la prédominance des noirs, des bleux sombres,
des violets, des verts profonds, brutalement éclairés par un
rouge vif, un jaune ou un blanc I'autre, moins contrastée et plus sereine,
n'est pas sans rappeler Bonnard: on y est frappé surtout, comme le
dit Couderc, par la façon dont une couleur, claire et joyeuse forme,
avec des raffinements de matière, une vision plus optimiste et plus
ensoleillée. . . On voyait même à I'exposition carcassonnaise
de 1946 des natures mortes, délicates et nuancées, qui évoquaient
les harmonies les plus savamment lumineuses de Cézanne. . .
Blondel avait, naturellement, subi des influences multiples et quand la mort le frappa, à quarante ans, nul n'aurait pu dire dans quelle voie il eût atteint la perfection. II se serait affirmé de plus en plus, je crois, comme un peintre de la vérité, mais non point de la réalité. Car pour lui la Nature était chose violente et tourmentée que les réalistes patentés auraient jugée invraisemblable. Sa vision des choses procédait d'un ton local dont il laissait Ies harmoniques jouer librement sur I'ensemble. II étonna un jour beaucoup une jolie femme qui avait Ies yeux verts en lui disant : "vos cheveux ont des reflets verts il faut que je compose ma palette a partir de cette couleur". Michel Maurette, qui rapporte ce propos, note avec raison "Certains jours, il peignait Ies arbres rouges et jamais ils ne paraissaient si beaux, si vrais, ni aussi vivants". . .
II aspirait
à faire éclater la spontanéité des couleurs dans
un univers où elles eussent été le principe libérateur
des structures, au lieu d'en être les prisonnières. C'est cette
évolution que l'on entrevoit, me semble-t-il, dans les toiles parisiennes
(le Cargo "le Violent" , Notre-Dame-de-Paris), dont le graphisme
insistant met en valeur sans la contraindre, l'illumination du tachisme, et
la "sérénité crispée" de l'ensemble.
Le vitrail fait eclater ici le serti de plomb qui le cerne. Blondel s'acheminait-il
vers le déchainement a-tonal des couleurs, Ou au contraire, comme le
pense Couderc, vers une symphonie plus apaisée ?
C'est
la question que l'on ne manquera pas de se poser en visitant cette exposition
de Carcassonne dont MM Sacchi et Hück ont été les organisateurs
fervents et éclairés. Toutes les peintures de Blondel ont de
l'intérêt, toutes portent témoignage de l'authenticité
profonde de son talent et de la richesse de ses possibilités créatrices.
Mais il en est quelques-unes qui se haussent au niveau des chefs-d'oeuvre
achevés et que l'on admirera sans réserve, parce qu'elles révèlent,
de ce grand artiste, toute l' éclatante complexité et le secret
intemporel.
On a voulu voir dans l'accident qui lui a coûté la vie le symbole
même du destin de Blondel : la fenêtre s'est ouverte, sur laquelle
il avait appliqué son échelle. On disait qu'il est mort, en
effet, de s'être trop dangereusement penché sur l'abîme
que représentait à ses yeux le monde des couleurs et des formes.
. . De cet abîme il nous a restitué tantôt le cri, tantot
l'image sans fond.
René
NELLI
Conservateur honoraire du Musée des Beaux-Arts de Carcassonne.
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LE REGARD D'ANDRE BLONDEL
Le
rêve est dans cette vie, Ia réalité est dans I'autre.
Si vous m'aimez, je vous ferai voir la réalité.
Max Jacob.
Le très vivant musée Paul Valery de Sète possède
plusieurs peintures d'André Blondel. Parmi elles un petit autoportrait
magnifique, rayonnant, dans lequel I'artiste est tout entier, corps, coeur
et âme en quelque sorte. Dans un autoportrait, toujours, le regard est
essentiel. Celui d'André Blondel, fraternel, pathétique comme
I'était celui de Van Gogh, iI est dans de grands yeux ronds, étonnés,
des yeux qui savaient si bien regarder, qui voyaient ce qui se cache souvent
derrière le faux semblant des apparences .
Ces yeux se sont fermés pour toujours il y a maintenant plus de trente ans, mais tout ce qu'ils dévoraient n'est pas perdu, que le peintre fidèlement, traduisait sur sa toile ou sa feuille de papier.
André Blondel était d'abord un merveiIleux dessinateur, et cette affirmation n'est pas contradictoire avec le fait qu'iI était un amoureux fou, fauve de la couleur. II dessinait "à cru" avec les couleurs aussi bien qu'avec un crayon ou une plume.
Son dessin (Son regard) est prodigieux, à la fois d'une Iiberté totale et d'une frémissante sûreté, sensible et tendre. C'est un dessin du mouvement, qui respire, qui ne calcule pas, un dessin instinctuel, généreux. Généreux, immensément généreux, André Blondel l'était, il a recréé tant et tant de "motifs" transfigurés par sa vision des êtres et des choses, et les a donnés à voir.
Regardez ses oeuvres qui échappent à toute classification stériIisante, contingente, réductrice. Elles sont le reflet magique d'une réalité qu'André Blondel, émerveillé, inventait (découvrait) en effectuant pour nous la traversée du miroir.
Fernand Dufour.
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LES MONOTYPES DE BLONDEL
Blondel
me montra un jour comment il réalisait le genre de monotype qui m'avait
intrigué dans une exposition à Carcassonne. Quelques temps après
j'ai pu le voir appliquer cette technique .
Pouvant peindre très vite, il aimait cependant remanier, multiplier
des étapes pour un même tableau ; il retouchait longuement ses
oeuvres lorsqu'il le jugeait utile, mais il voulait aussi conserver des "notations
rapides". Cela I'avait conduit à utiliser cette pratique.
Souvent, il ébauchait fougueusement en pleine pâte, mais, lorsque le support, toile ou contre-plaqué, était couvert, même un très bel effet ne le satisfaisait pas ; il voulait garder de cela un témoignage tout en continuant sans être gêné par trop de matière. II appliquait alors une feuille de papier sur sa peinture fraîche, la faisant bien "accrocher" en la frottant au dos avec un chiffon ou une éponge légèrement mouillée. Le papier retiré amenait avec lui la partie superficielle de la peinture, constituant un "monotype" qui pouvait être suivi, après reprise du travail du peintre sur le tableau, d'un second ou même de plusieurs autres; empreintes des nouvelles touches ou retouches variations sur un thème suivant les multiplications des étapes et presque jusqu'à la finition de l'oeuvre proprement dite.
Après les prises d'empreintes, la couche restante pouvait être retravaillée tout de suite avec possibilité d'addition de peinture "dans le frais", à moins que l'artiste ne préfère laisser sécher (un certain grain, intéressant, pouvait rester après le retrait du papier) .
Sur ces empreintes, que l'auteur appelait ses "monotypes d' execution", il n' y avait parfois que des surfaces espacées de peintures; c'est surtout alors qu'apparaissaient en transparence des dessins à l'encre de chine que Blondel faisait au dos du papier avant de le détacher des traits forts affirmant ou structurant la composition. Pour bien les utiliser, le maître employait de préférence du papier assez transparent.
E. PECH.
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MARC BLONDEL- 2010. Tous droits réservés. All rights reserved.
André Blondel- 1909-1949 - peintures, dessins
Association des amis de
la ville de Carcassonne - fond d’intervention culturelle de l’Aude
- CDDP de l’Aude
Salle des expositions de la mairie de Carcassonne
Préface de Louis Peyré, René Nelli, Fernand Dufour, E.Pech
Avril 1980 - 73 pages